Le secteur de la microfinance au Burkina Faso :
importance et acteurs
La microfinance est une activité d’offre de services
financiers (épargne, crédit, assurances, etc.) à destination des plus pauvres
qui n’ont pas accès aux institutions financières classiques (les banques
notamment) et qui sont sans activité salariée régulière. De nos jours, il est
unanimement reconnu que la microfinance peut jouer un rôle très important dans
le processus de développement des pays en développement tels que le Burkina
Faso. Pour preuve, l’économiste et entrepreneur bangladais, Muhammad Yunus a
reçu, le 13 octobre 2006, le prix Nobel
de la Paix conjointement avec la Grameen
Bank (institution qu’il a fondé) pour « leurs efforts pour promouvoir le
développement économique et social à partir de la base ». Cette
distinction lui a été accordée une année après avoir eu le rarissime privilège
d’être nominé à la fois pour les prix Nobel d’Economie et de la Paix en 2005.
La Grameen Bank est aujourd’hui une
institution de microfinance mondialement reconnue et constitue une référence en
matière de financement des pauvres, d’où le sobriquet de « banquier des
pauvres » donné à Muhammad Yunus.
La microfinance peut constituer une vraie panacée pour le
financement du développement dans des pays comme le Burkina Faso où le niveau
de pauvreté est élevé (43,9% en 2009/2010)[1] et
où on observe un secteur informel ayant une grande importance dans l’animation
de l’économie du pays. La microfinance en tant que système de financement des
moins nantis se présente sous des formes diverses et variées. Elle implique
également une variété d’acteurs. Ce secteur est animé par un certain nombre qui
œuvre à faire de lui un levier important pour le développement du pays.
Cinq groupes d’acteurs interviennent principalement dans
le secteur de la microfinance au Burkina Faso. Ce sont les Institutions de
Microfinance, l’Etat, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, l’Association
Professionnelle des Institutions de Microfinance, et les différents Partenaires Techniques et Financiers.
Les
Institutions de Microfinance (IMF)
Selon la Stratégie Nationale de Microfinance (SNMF)
2012-2016, une institution de microfinance (IMF) ou un système financier
décentralisé (SFD) est une entreprise financière qui offre des services de
microfinance et doit, à terme, couvrir ses charges et dégager une marge sans
appui extérieur pour assurer sa pérennité. Les services financiers gérés par
les IMF sont principalement l’épargne, les crédits, les transferts et de plus
en plus les assurances. Les IMF sont règlementées par les lois n° 023-2009/AN
du 14 mai 2009 portant réglementation des IMF et n°18-97/AN du 30 juillet 1997
qui définit et réprime l’usure ainsi que par le décret n° 2009-839/PRES/PM/MEF
du 18 décembre 2009 portant réglementation des IMF.
On distingue trois (3) formes institutionnelles des IMF
au Burkina Faso (i) les institutions mutuelles ou coopératives d’épargne
et de crédit, (ii) les structures de crédits directs ou solidaires et (iii) les
sociétés commerciales, qui constituent une forme émergente d’IMF au Burkina
Faso.
Au 31 décembre 2010, le secteur de la microfinance
comptait 286 structures réparties comme suit :
- 176
IMF agrées organisées en réseau ;
- 83
IMF de base non affiliées à un réseau ;
- 4
IMF dont les agréments ont expiré et qui ont introduit un dossier de demande
d’agrément ;
- 23
structures non en règle (dont la demande n’a pas encore été approuvée).
La forme institutionnelle dominante est celle des
mutuelles ou coopératives d’épargne et de crédit. Dans le secteur de la
microfinance, le Réseau des Caisses Populaires du Burkina (RCPB) est, de loin,
la structure la plus importante. A elle seule, cette structure comptait 30% des
points de service, 60% de la clientèle et 80% des encours d’épargne et de
crédit en 2010.
Entre 2007 et 2010, l’encours d’épargne est passé de
55,01 à 83,3 milliards de FCFA, soit une croissance moyenne de 10,93% par an.
Cette croissance annuelle montre que le secteur prend une ampleur de plus en
plus importante. Ce qui s’explique par l’augmentation des dépôts moyens et du
nombre de clients qui est passé de 928 849 à 1 176 286 entre
2007 et 2010. Cette augmentation de l’encours d’épargne s’accompagne d’une
augmentation de l’encours de crédit. L’encours de crédit sur la période
2007-2010 croit en moyenne de 10,50% par an passant de 53,37 à 79,4 milliards
de FCFA.
En 2010, les 263 IMF, soit le secteur de la microfinance
dans sa globalité, pesait 83,3 milliards de FCFA de dépôts et 79,4 milliards de
crédits pour 1 176 286 clients. On a donc 95,31% des dépôts qui sont
redistribués en crédit. En comparaison, en 2009, le secteur bancaire avec 11
banques et 5 établissements financiers gérait environ un demi-million de
comptes à travers 183 agences et bureaux, mobilisait près de 1000 milliards de
FCFA en épargne et redistribuait les 75% en crédits. Tout le secteur de la
microfinance vaut en équivalence à une banque moyenne burkinabè. Mais en termes
d’accès, plus de personnes ont accès au financement via la microfinance. En
considérant la répartition géographique des agences, on est encore plus
conforté dans la position selon laquelle la microfinance est le système de
financement des pauvres par excellence. On compte au moins une agence dans
toutes les provinces du Burkina.
L’Etat
L’Etat joue principalement un rôle de surveillance,
d’accompagnement et de promotion des activités du secteur. Ce rôle de l’Etat,
d’antan assuré par la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique
à travers la Cellule de Suivi et de Contrôle des Institutions Financières
Décentralisées, est aujourd’hui assuré par la Direction de la Microfinance.
Cette Direction a été créée en 2007 par le Décret n°2007-267/PRES/PM/MFB. Cette
Direction a pour missions principales (i) d’exercer la tutelle du Ministère
chargé des Finances sur les institutions mutualistes ou coopératives d’épargne
et de crédit ; (ii) de contribuer à la création d’un environnement favorable à
l’émergence et au développement d’un réseau bancaire mutualiste pouvant servir
adéquatement et en toute sécurité les populations en services et produits
financiers ; (iii) d’organiser la collecte, le traitement et la diffusion des
informations statistiques relatives à l’ensemble des activités des institutions
mutualistes ou coopératives d’épargne et de crédit et (iv) d’assurer le suivi
et le contrôle des organisations ou structures de collecte de l’épargne et/ou
d’octroi de crédit, non constituées sous forme mutualiste ou coopérative et non
soumises à la réglementation bancaire.
Le secteur de la microfinance est régi par une Stratégie
Nationale de la Microfinance (SNMF) pour la période 2012-2016. La vision de cette
stratégie se formule comme suit « en 2016,
le Burkina Faso dispose d’un secteur de la microfinance plus professionnel, mieux
assaini et intégré au secteur financier, avec des institutions viables et pérennes,
offrant des services financiers de qualité et couvrant la demande solvable des
populations à faibles revenus (femmes, jeunes, micro- entrepreneurs notamment)
tant en milieu urbain que rural ». De façon globale, cette stratégie a pour
objectif de favoriser, dans une démarche de finance inclusive, l'accès d'une
large proportion de la population à des produits et services financiers
diversifiés et adaptés, offerts par des systèmes financiers décentralisés (SFD)
pérennes, supervisés et évoluant dans un contexte légal, règlementaire et
fiscal favorable.
La
Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO)
La BCEAO est le dépositaire par excellence de la
politique monétaire dans la zone UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine),
donc au Burkina Faso. A ce titre, aucune activité relevant du secteur financier
ne saurait être conduite sans son aval. La microfinance étant une sous-branche
du secteur financier, la BCEAO y joue un rôle important. Son intervention dans
ce secteur se situe au niveau (i) de l’appui à la formation des acteurs du
secteur ; (ii) l’appui technique et financier à la Direction de la Microfinance
; (iii) la réglementation du secteur par la conception des textes réglementaires
et les règles de gestion ; (iv) la production de statistiques sur le
secteur et (v) la participation aux côtés de la Direction de la Microfinance
aux activités de contrôle du secteur.
L’Association
Professionnelle des Institutions de Microfinance du Burkina Faso (APIM-BF)
L’APIM-BF est une structure qui regroupe plusieurs
institutions de microfinance au Burkina Faso et ayant pour mission de leur offrir
des services de renforcement de capacités et d’organisation. Elle est le
résultat d’une fusion en juin 2002 de l’Association Professionnelle des
Institutions d’Epargne et de Crédit (APIDEC) et l’Association des Intervenants
en Microfinance (ASIMIF). L’APIM-BF a pour rôles principaux de (i) renforcer
les liens entre les membres ainsi que leurs capacités afin de les rendre plus
efficaces et crédibles ; (ii) favoriser les mécanismes des services
financiers et non financiers et l’accessibilité des institutions de
microfinance ; (iii) faciliter les échanges avec les pouvoirs publics et les
marchés financiers et travailler à développer l’épargne en vue de favoriser la
prospérité économique et sociale du pays ; (iv) réunir des informations et des
données utiles intéressant la profession d’épargne et de crédit et (v) veiller
au respect par les membres de la déontologie et de la réglementation sur les
institutions d’épargne et de crédit en vigueur au Burkina Faso. Au 30 avril
2009, l’APIM-BF comptait 47 organisations membres.
Les
banques commerciales
Longtemps considérées comme des opérations à risques, les
activités de microfinancement ont commencé à intéresser les banques à partir du
développement de plus en plus important du secteur. Au Burkina Faso, les
premières banques à s’intéresser à ce secteur sont Ecobank, la Bank of Africa (BoA)
et la Banque Commerciale du Burkina (BCB). Ecobank se positionne dans ce
secteur avec la mise en place de la Société de Financement de la Petite
Entreprise (SOFIPE). La BCB a lancé en 2003 un produit microfinance en vue de
répondre au besoin du secteur informel. La BoA, quant à elle, refinance des
institutions de microfinance qui remplissent certains critères.
Les
autres partenaires techniques et financiers
On peut les classer en deux catégories : la
coopération bilatérale et les partenaires techniques et financiers
multilatéraux.
Les principaux partenaires bilatéraux sur le plan
technique et financier sont : l'Allemagne, la Belgique, le Canada, la France,
le Luxembourg, la République de Chine, le Royaume du Danemark, le Royaume des
Pays Bas et la Suisse. Ils interviennent dans le secteur de la microfinance par
l’intermédiaire d’organismes publics ou privés de coopération. Ces interventions
prennent la forme d’appuis techniques et financiers aux expériences déjà
existantes, de promotion de nouvelles expériences, de sécurisation des
opérations par la mise en œuvre de fonds de garantie et d’appui technique et
financier à l’Etat.
Les principaux acteurs de la coopération multilatérale
dans le secteur de la microfinance sont la Banque Africaine de Développement
(BAD), la Banque Mondiale (BM), la Commission Européenne, le Fonds d’Equipement
des Nations Unies du Programme des Nations Unies pour le Développement
(PNUD/FENU), le Fonds International de Développement Agricole (FIDA) et
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
En plus de ces deux types de structures, on peut ajouter
d’importantes structures nationales et internationales qui contribuent fortement au
développement du secteur de la microfinance au Burkina Faso. Il s’agit de
structures telles que le Comité permanent Inter-Etats de Lutte contre la
Sécheresse dans le Sahel (CILSS), Développement International Desjardins (DID)
qui continue à fournir une assistance technique et financière au Réseau des
Caisses Populaires de Burkina, la plus grande institution de microfinance du
pays dont il est à l’origine de la création, SOS Faim ou encore AQUADEV.
En conclusion, le secteur de la microfinance au Burkina
Faso, à l’instar des autres pays en développement prend de plus en plus
d’importance. Ce qui accroit son rôle dans le processus de développement du
pays, donc d’amélioration du bien-être des populations. L’Etat burkinabè fait
preuve d’une volonté de faire de secteur un levier important pour le
développement à travers la mise en place d’une structure telle que la Direction
de la Microfinance et la rédaction d’une Stratégie Nationale de Microfinance.
Cette volonté est accompagnée par des acteurs nationaux et internationaux sous
la surveillance étroite de la BCEAO. Le défi majeur dans ce secteur reste
l’autonomisation des IMF car bon nombre d’entre elles ne sont pas encore
totalement viables et requièrent toujours une assistance externe afin
d’équilibrer leurs comptes.