jeudi 10 octobre 2013


Le secteur de la microfinance au Burkina Faso : importance et acteurs
 

La microfinance est une activité d’offre de services financiers (épargne, crédit, assurances, etc.) à destination des plus pauvres qui n’ont pas accès aux institutions financières classiques (les banques notamment) et qui sont sans activité salariée régulière. De nos jours, il est unanimement reconnu que la microfinance peut jouer un rôle très important dans le processus de développement des pays en développement tels que le Burkina Faso. Pour preuve, l’économiste et entrepreneur bangladais, Muhammad Yunus a reçu,  le 13 octobre 2006, le prix Nobel de la Paix conjointement avec la Grameen Bank (institution qu’il a fondé) pour « leurs efforts pour promouvoir le développement économique et social à partir de la base ». Cette distinction lui a été accordée une année après avoir eu le rarissime privilège d’être nominé à la fois pour les prix Nobel d’Economie et de la Paix en 2005. La Grameen Bank est aujourd’hui une institution de microfinance mondialement reconnue et constitue une référence en matière de financement des pauvres, d’où le sobriquet de « banquier des pauvres » donné à Muhammad Yunus.


La microfinance peut constituer une vraie panacée pour le financement du développement dans des pays comme le Burkina Faso où le niveau de pauvreté est élevé (43,9% en 2009/2010)[1] et où on observe un secteur informel ayant une grande importance dans l’animation de l’économie du pays. La microfinance en tant que système de financement des moins nantis se présente sous des formes diverses et variées. Elle implique également une variété d’acteurs. Ce secteur est animé par un certain nombre qui œuvre à faire de lui un levier important pour le développement du pays.

Cinq groupes d’acteurs interviennent principalement dans le secteur de la microfinance au Burkina Faso. Ce sont les Institutions de Microfinance, l’Etat, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest,  l’Association  Professionnelle des Institutions de Microfinance, et  les différents Partenaires Techniques et Financiers.

Les Institutions de Microfinance (IMF)

Selon la Stratégie Nationale de Microfinance (SNMF) 2012-2016, une institution de microfinance (IMF) ou un système financier décentralisé (SFD) est une entreprise financière qui offre des services de microfinance et doit, à terme, couvrir ses charges et dégager une marge sans appui extérieur pour assurer sa pérennité. Les services financiers gérés par les IMF sont principalement l’épargne, les crédits, les transferts et de plus en plus les assurances. Les IMF sont règlementées par les lois n° 023-2009/AN du 14 mai 2009 portant réglementation des IMF et n°18-97/AN du 30 juillet 1997 qui définit et réprime l’usure ainsi que par le décret n° 2009-839/PRES/PM/MEF du 18 décembre 2009 portant réglementation des IMF.

On distingue trois (3) formes institutionnelles des IMF au Burkina Faso (i) les institutions mutuelles ou coopératives d’épargne et de crédit, (ii) les structures de crédits directs ou solidaires et (iii) les sociétés commerciales, qui constituent une forme émergente d’IMF au Burkina Faso.

Au 31 décembre 2010, le secteur de la microfinance comptait 286 structures réparties comme suit :

- 176 IMF agrées organisées en réseau ;
- 83 IMF de base non affiliées à un réseau ;
- 4 IMF dont les agréments ont expiré et qui ont introduit un dossier de demande d’agrément ;
- 23 structures non en règle (dont la demande n’a pas encore été approuvée).

La forme institutionnelle dominante est celle des mutuelles ou coopératives d’épargne et de crédit. Dans le secteur de la microfinance, le Réseau des Caisses Populaires du Burkina (RCPB) est, de loin, la structure la plus importante. A elle seule, cette structure comptait 30% des points de service, 60% de la clientèle et 80% des encours d’épargne et de crédit en 2010.

Entre 2007 et 2010, l’encours d’épargne est passé de 55,01 à 83,3 milliards de FCFA, soit une croissance moyenne de 10,93% par an. Cette croissance annuelle montre que le secteur prend une ampleur de plus en plus importante. Ce qui s’explique par l’augmentation des dépôts moyens et du nombre de clients qui est passé de 928 849 à 1 176 286 entre 2007 et 2010. Cette augmentation de l’encours d’épargne s’accompagne d’une augmentation de l’encours de crédit. L’encours de crédit sur la période 2007-2010 croit en moyenne de 10,50% par an passant de 53,37 à 79,4 milliards de FCFA.

En 2010, les 263 IMF, soit le secteur de la microfinance dans sa globalité, pesait 83,3 milliards de FCFA de dépôts et 79,4 milliards de crédits pour 1 176 286 clients. On a donc 95,31% des dépôts qui sont redistribués en crédit. En comparaison, en 2009, le secteur bancaire avec 11 banques et 5 établissements financiers gérait environ un demi-million de comptes à travers 183 agences et bureaux, mobilisait près de 1000 milliards de FCFA en épargne et redistribuait les 75% en crédits. Tout le secteur de la microfinance vaut en équivalence à une banque moyenne burkinabè. Mais en termes d’accès, plus de personnes ont accès au financement via la microfinance. En considérant la répartition géographique des agences, on est encore plus conforté dans la position selon laquelle la microfinance est le système de financement des pauvres par excellence. On compte au moins une agence dans toutes les provinces du Burkina.

L’Etat

L’Etat joue principalement un rôle de surveillance, d’accompagnement et de promotion des activités du secteur. Ce rôle de l’Etat, d’antan assuré par la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique à travers la Cellule de Suivi et de Contrôle des Institutions Financières Décentralisées, est aujourd’hui assuré par la Direction de la Microfinance. Cette Direction a été créée en 2007 par le Décret n°2007-267/PRES/PM/MFB. Cette Direction a pour missions principales (i) d’exercer la tutelle du Ministère chargé des Finances sur les institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et de crédit ; (ii) de contribuer à la création d’un environnement favorable à l’émergence et au développement d’un réseau bancaire mutualiste pouvant servir adéquatement et en toute sécurité les populations en services et produits financiers ; (iii) d’organiser la collecte, le traitement et la diffusion des informations statistiques relatives à l’ensemble des activités des institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et de crédit et (iv) d’assurer le suivi et le contrôle des organisations ou structures de collecte de l’épargne et/ou d’octroi de crédit, non constituées sous forme mutualiste ou coopérative et non soumises à la réglementation bancaire.

Le secteur de la microfinance est régi par une Stratégie Nationale de la Microfinance (SNMF) pour la période 2012-2016. La vision de cette stratégie se formule comme suit « en 2016, le Burkina Faso dispose d’un secteur de la microfinance plus professionnel, mieux assaini et intégré au secteur financier, avec des institutions viables et pérennes, offrant des services financiers de qualité et couvrant la demande solvable des populations à faibles revenus (femmes, jeunes, micro- entrepreneurs notamment) tant en milieu urbain que rural ». De façon globale, cette stratégie a pour objectif de favoriser, dans une démarche de finance inclusive, l'accès d'une large proportion de la population à des produits et services financiers diversifiés et adaptés, offerts par des systèmes financiers décentralisés (SFD) pérennes, supervisés et évoluant dans un contexte légal, règlementaire et fiscal favorable.

La Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO)

La BCEAO est le dépositaire par excellence de la politique monétaire dans la zone UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine), donc au Burkina Faso. A ce titre, aucune activité relevant du secteur financier ne saurait être conduite sans son aval. La microfinance étant une sous-branche du secteur financier, la BCEAO y joue un rôle important. Son intervention dans ce secteur se situe au niveau (i) de l’appui à la formation des acteurs du secteur ; (ii) l’appui technique et financier à la Direction de la Microfinance ; (iii) la réglementation du secteur par la conception des textes réglementaires et les règles de gestion ; (iv) la production de statistiques sur le secteur et (v) la participation aux côtés de la Direction de la Microfinance aux activités de contrôle du secteur.

L’Association Professionnelle des Institutions de Microfinance du Burkina Faso (APIM-BF)

L’APIM-BF est une structure qui regroupe plusieurs institutions de microfinance au Burkina Faso et ayant pour mission de leur offrir des services de renforcement de capacités et d’organisation. Elle est le résultat d’une fusion en juin 2002 de l’Association Professionnelle des Institutions d’Epargne et de Crédit (APIDEC) et l’Association des Intervenants en Microfinance (ASIMIF). L’APIM-BF a pour rôles principaux de (i) renforcer les liens entre les membres ainsi que leurs capacités afin de les rendre plus efficaces et crédibles ; (ii) favoriser les mécanismes des services financiers et non financiers et l’accessibilité des institutions de microfinance ; (iii) faciliter les échanges avec les pouvoirs publics et les marchés financiers et travailler à développer l’épargne en vue de favoriser la prospérité économique et sociale du pays ; (iv) réunir des informations et des données utiles intéressant la profession d’épargne et de crédit et (v) veiller au respect par les membres de la déontologie et de la réglementation sur les institutions d’épargne et de crédit en vigueur au Burkina Faso. Au 30 avril 2009, l’APIM-BF comptait 47 organisations membres.

Les banques commerciales

Longtemps considérées comme des opérations à risques, les activités de microfinancement ont commencé à intéresser les banques à partir du développement de plus en plus important du secteur. Au Burkina Faso, les premières banques à s’intéresser à ce secteur sont Ecobank, la Bank of Africa (BoA) et la Banque Commerciale du Burkina (BCB). Ecobank se positionne dans ce secteur avec la mise en place de la Société de Financement de la Petite Entreprise (SOFIPE). La BCB a lancé en 2003 un produit microfinance en vue de répondre au besoin du secteur informel. La BoA, quant à elle, refinance des institutions de microfinance qui remplissent certains critères.

Les autres partenaires techniques et financiers

On peut les classer en deux catégories : la coopération bilatérale et les partenaires techniques et financiers multilatéraux.

Les principaux partenaires bilatéraux sur le plan technique et financier sont : l'Allemagne, la Belgique, le Canada, la France, le Luxembourg, la République de Chine, le Royaume du Danemark, le Royaume des Pays Bas et la Suisse. Ils interviennent dans le secteur de la microfinance par l’intermédiaire d’organismes publics ou privés de coopération. Ces interventions prennent la forme d’appuis techniques et financiers aux expériences déjà existantes, de promotion de nouvelles expériences, de sécurisation des opérations par la mise en œuvre de fonds de garantie et d’appui technique et financier à l’Etat.

Les principaux acteurs de la coopération multilatérale dans le secteur de la microfinance sont la Banque Africaine de Développement (BAD), la Banque Mondiale (BM), la Commission Européenne, le Fonds d’Equipement des Nations Unies du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD/FENU), le Fonds International de Développement Agricole (FIDA) et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

En plus de ces deux types de structures, on peut ajouter d’importantes structures nationales et  internationales qui contribuent fortement au développement du secteur de la microfinance au Burkina Faso. Il s’agit de structures telles que le Comité permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS), Développement International Desjardins (DID) qui continue à fournir une assistance technique et financière au Réseau des Caisses Populaires de Burkina, la plus grande institution de microfinance du pays dont il est à l’origine de la création, SOS Faim ou encore AQUADEV.

 

En conclusion, le secteur de la microfinance au Burkina Faso, à l’instar des autres pays en développement prend de plus en plus d’importance. Ce qui accroit son rôle dans le processus de développement du pays, donc d’amélioration du bien-être des populations. L’Etat burkinabè fait preuve d’une volonté de faire de secteur un levier important pour le développement à travers la mise en place d’une structure telle que la Direction de la Microfinance et la rédaction d’une Stratégie Nationale de Microfinance. Cette volonté est accompagnée par des acteurs nationaux et internationaux sous la surveillance étroite de la BCEAO. Le défi majeur dans ce secteur reste l’autonomisation des IMF car bon nombre d’entre elles ne sont pas encore totalement viables et requièrent toujours une assistance externe afin d’équilibrer leurs comptes.




[1] Source : Stratégie de Croissance Accélérée et de Développement Durable (SCADD)