lundi 26 août 2013


La problématique de l’emploi des jeunes est une réalité importante au Burkina Faso. Les statistiques officielles montrent un taux de chômage relativement faible au Burkina Faso. Mais cette faiblesse du taux de chômage de représente en rien un aspect positif de l’économie du pays. En effet, le sous-emploi reste très important au Burkina Faso. Ce sous-emploi se caractérise par la précarité de l’emploi et la faiblesse des revenus du travailleur. Les salaires sont très bas et les activités sont menées indépendamment du niveau d’éducation de l’employé. Un exemple édifiant à ce sujet est le cas de travailleurs titulaires de Maitrise en Economie exerçant une activité requérant un niveau d’étude de BEPC. Pour pallier à cette situation de sous-emploi massif des jeunes et de précarité de l’emploi, l’Etat Burkinabè a mis en place en 2008 la Politique Nationale de l’Emploi (PNE) qui se donne comme objectif général d’accroitre les opportunités d’emplois décents afin de contribuer à la lutte contre la pauvreté au Burkina Faso.

La problématique de l’emploi des jeunes se résume au fait que les jeunes, aptes à travailler, sont à la recherche d’emploi et qu’ils n’en trouvent pas. La fonction publique ne peut pas et ne saurait absorber toute l’offre de travail disponible. La panacée devrait donc venir du secteur privé. Toutefois, la réalité est que, à l’état actuel des choses, le secteur privé ne peut pas absorber cet excédent main-d’œuvre également. Les raisons de la non-absorbation de cet excédent de main-d’œuvre peuvent être déterminées à travers trois (3) éléments que sont la dynamique de l’économie burkinabè, la non-compétitivité de la main-d’œuvre et la faiblesse de la promotion de l’entreprenariat.

La dynamique de l’économie

L’économie burkinabè reste caractérisée par un taux de croissance faible par rapport aux besoins de l’économie et surtout très erratique. Entre 2000 et 2009, la croissance moyenne a été de 5,2% avec un pic de 8,7% en 2005. Cette croissance reste en deçà des 7% de taux de croissance continue qu’il faudrait pour que les choses évoluent positivement et de façon perceptible. La croissance dépend essentiellement de facteurs externes que le pays ne peut pas contrôler. Il s’agit, entre autres, de la pluviométrie et des prix des matières premières. Le caractère erratique de la croissance n’incite pas les acteurs économiques à faire des investissements car les garanties de retour sur investissement ne sont pas nettement perceptibles. Selon la loi de la demande effective de Keynes, les entrepreneurs vont augmenter le niveau d’emploi sur la base des incitations et des signaux qui sont donnés par le marché et l’économie dans son ensemble. Ces informations ont trait à la croissance économique (tendance), la stabilité politique et les incitations positives en faveur de l’investissement qui sont créées par les autorités du pays. Cette augmentation de l’emploi permettra d’absorber l’excédent de main-d’œuvre disponible et ainsi de réduire le niveau de chômage et de sous-emploi. Aussi, l’utilisation du niveau d’emploi idéal pour bénéficier des opportunités offertes par l’économie permet de créer plus de valeur ajoutée, donc plus de croissance. L’augmentation de la valeur ajoutée permet de créer plus d’opportunités d’emploi. Ce qui nous met dans un cercle vertueux qui permettra de maintenir l’économie à un faible niveau de chômage tout en réduisant le niveau de sous-emploi car une croissance de qualité entraine la création d’emplois de qualité.

En résumé, la problématique de l’emploi peut être résolue par une croissance forte et soutenue au Burkina Faso. Des incitations fortes venant des autorités politiques du pays permettent de rassurer ou d’éloigner les potentiels investisseurs. C’est pourquoi en plus d’une croissance forte et soutenue, il faut créer un environnement politique et social stable[1]. Une économie peut créer suffisamment de valeur ajoutée pour accroitre le niveau de l’emploi. Toutefois si au niveau local, la main-d’œuvre n’est pas assez compétitive pour occuper les nouveaux emplois créés, du fait de la mondialisation de nos jours sans cesse grandissante, ces emplois locaux seront occupés par des expatriés ayant les compétences requises pour les occuper. Il y a donc une nécessité à ce que le système local crée de potentiels travailleurs qualifiés, compétents et aptes à satisfaire la demande des entreprises en matière d’emploi.

La compétitivité de la main-d’œuvre locale

La compétitivité de la main-d’œuvre locale est déterminée par la capacité du système éducatif national de mettre à la disposition du marché de l’emploi des travailleurs qualifiés et disponibles pour les différentes demandes des entreprises. Pour arriver à une telle fin, il faudrait que le système éducatif du pays fasse preuve d’une bonne efficacité.

Le système éducatif burkinabè actuel ne met pas des demandeurs d’emplois hautement compétitifs sur le marché. En effet, la formation reste toujours théorique et peu adaptée aux besoins du marché du travail. Le principal centre de formation de travailleurs hautement qualifiés, qui est l’université, est en crise depuis des années. Toutes les initiatives qui ont été prises pour résorber cette crise telles que la mise en œuvre du système LMD (Licence-Master-Doctorat) n’ont toujours pas encore résolu cette crise. L’enseignement privé connait plus de stabilité mais les réalités sont les mêmes ; la formation reste toujours très théorique. Chaque année, plus de 1000 diplômés sortent de l’Université de Ouagadougou. Nous même étant un produit de cette université, nous pouvons dire que tout au long de leur parcours la quasi-totalité de ces diplômés n’a jamais suivi de formation sur les techniques de recherche d’emploi dans le cadre de leur formation ; ou encore de formation sur la rédaction de CV et de lettre de motivation. Ainsi, en plus du caractère trop théorique de leur formation, les étudiants ne sont pas outillés de sorte à pouvoir se positionner de la meilleure des façons sur le marché de l’emploi.

Un autre aspect, non des moindres, est l’inadéquation entre la formation et les besoins du marché de travail. Les formations offertes ne sont pas, dans la majorité des cas, en rapport avec les besoins réels de l’économie burkinabè. Ces formations devraient être plus calibrées sur les réalités de l’économie burkinabè. Ces réalités sont que 80% de la population burkinabè est à vocation agricole, l’élevage est un secteur à très fort potentiel pour le Burkina Faso, le pays est entré dans le cercle restreint des pays miniers. A titre d’illustration, il existe des universités dans certains pays tels que la France où des filières sont ouvertes pendant 2 ou 3 ans le temps de former la ressource humaine qu’il faut pour satisfaire la demande dans un secteur bien précis qui se trouve être en plein essor à une période donnée. Ce type de stratégie permet de ne pas former des individus dont la probabilité de trouver un emploi après leur formation reste très faible. Quelle est la nécessité pour un pays comme le Burkina Faso d’avoir chaque année plus de 400 maitrisards en Economie ? Et 400 autres maitrisards en Droit ? Loin de nous l’idée de remettre en cause la pertinence d’un économiste ou d’un juriste au Burkina Faso.

L’Etat gagnerait a impliqué de façon plus forte le secteur privé dans le choix et la création des filières de formation. La situation idéale serait que l’Université en plus de former les chercheurs de haut niveau et hautement qualifiés devrait former des cadres et des employés de haut niveau et hautement compétents à la disposition des entreprises de la place, à l’instar de certaines entreprises qui possèdent leur propre école de formation ou encore des écoles telles que l’Ecole Nationale des Régies Financières (ENAREF) ou l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM).  Tout individu formé par une université publique qui ne travaille constitue un gaspillage des ressources de l’Etat. Plus l’individu dure dans la situation de chômage, plus le gaspillage est important car le stock de connaissance se déprécie avec le temps d’inactivité. L’Etat lui-même n’a donc pas intérêt à ce que les produits (diplômés) des universités publiques  soient au chômage. La situation actuelle n’est donc pas optimale car ni les produits (diplômés) ni l’Etat encore moins le marché du travail n’est satisfait. Il y a donc nécessité que les choses évoluent positivement pour le bien de toutes les parties. Les entreprises pourraient disposer d’une main-d’œuvre disponible et qualifiée, les diplômés pourraient très vite rentabiliser l’investissement qu’ils ont effectué dans leur capital humain et l’Etat verraient ses investissements rentabilisés pour le bien de la nation toute entière. Les Assises sur l’Enseignement Supérieur tenues les 14 et 15 juin derniers constituent une très bonne initiative, qui espérons-le, pourrait permettre de trouver la solution optimale pour toutes les parties prenantes.

Pour donner plus de compétitivité à la formation actuelle, il faudrait la rendre plus pratique. Pour cela, les activités extra-académiques pourraient jouer un très grand rôle. L’expérience montre que, à diplôme égal,  les étudiants ayant eu une vie associative intense lors de leur cursus universitaire sont plus aptes à trouver de l’emploi et sont plus qualifiés que ceux n’ayant eu aucune vie associative. Il faut donc accompagner et encourager les étudiants à avoir un niveau d’activités extra-académiques important. Il faut également accompagner les associations et organisations de jeunes qui militent en faveur du développement des étudiants à travers des formations extra-académiques. Cet accompagnement peut être financier ou matériel. Ce soutien peut se matérialiser par la construction de locaux au sein des universités au profit des associations estudiantines non syndiquées. Lorsque le système éducatif arrive à mettre de potentiels travailleurs compétitifs et hautement qualifiés sur le marché, cela constitue un avantage pour les secteurs privé et publique mais aussi pour la promotion de l’entreprenariat.

La promotion de l’entreprenariat

La promotion de l’entreprenariat chez les jeunes constitue une alternative importante pour résoudre la question de l’emploi chez les jeunes. Cette alternative s’inscrit de façon plus globale dans le cadre de la promotion des initiatives du secteur privé et de leur renforcement. La promotion de l’entreprenariat constitue une bonne panacée aux préoccupations liées à l’emploi dans un pays. Toutefois tant que certaines conditions minimales ne seront pas réunies cette option ne pourrait pas atteindre l’impact recherché en matière de lutte contre le chômage et de réduction du sous-emploi. Il s’agit de la formation en entreprenariat et du financement des initiatives des jeunes.

Un accent doit être mis sur la formation en entreprenariat. Cette formation doit être donnée de façon transversale dans les différentes filières d’étude. Elle doit être intégrée dans les programmes d’études le plus tôt possible. Idéalement, en intégrant l’entreprenariat comme module de formation dès le secondaire, l’Etat inciterait de nombreux élèves à mettre en valeur leurs potentialités et réduirait les charges en ayant moins d’élèves à prendre en charge pour les cycles supérieurs. D’autant plus qu’au vu de la situation actuelle l’emploi n’est pas plus garanti avec un niveau d’étude supérieur qu’avec un niveau d’étude secondaire. Cette intégration de l’entreprenariat dans tous les cursus est valable tant dans l’enseignement général que dans l’enseignement professionnel. Le but étant d’inculquer l’esprit d’entreprenariat à tous les produits (diplômés ou non) que le système éducatif va générer. L’Etat burkinabè a entrepris des initiatives qu’il convient de saluer sur la question de l’entreprenariat. Il s’agit d’initiatives telles que la formation de 5 000 jeunes entreprenariat par an ou encore les sessions de formation en entreprenariat qui sont organisées par l’Agence Nationale de Promotion de l’Emploi (ANPE). En plus de la formation en entreprenariat, un autre élément crucial reste la question du financement des jeunes entrepreneurs.

Une fois la formation donnée et l’esprit d’entreprenariat inculquée aux potentiels futurs entrepreneurs vient alors la question du financement. En effet, la quasi-totalité des jeunes entrepreneurs ont un besoin important de financement. Ce besoin est d’autant plus important que le niveau de pauvreté au Burkina Faso réduit les possibilités d’autofinancement. Le système bancaire actuel n’est pas favorable car les garanties exigées sont pour la plupart du temps quasiment impossibles à satisfaire pour un jeune potentiel entrepreneur. L’Etat a mis en place des systèmes de financement tels que le Fonds d’Appui aux Initiatives des Jeunes (FAIJ) ou encore le Fonds d’Appui au Secteur Informel (FASI). Ces différents fonds permettent d’atténuer un tant soit peu les difficultés de financement que rencontrent les jeunes potentiels entrepreneurs. Toutefois, ces fonds restent limités par rapport à la demande sans cesse croissante. Aussi, les conditions, certes plus souples que celles du système bancaire, restent encore difficiles à satisfaire pour les jeunes.

Conclusion

Nous pouvons dire que la problématique de l’emploi des jeunes reste une préoccupation majeure au Burkina Faso. Cette préoccupation est d’autant plus importante que la dynamique actuelle de l’économie Burkinabè ne favorise pas une forte création d’emplois. Aussi, le caractère théorique du système éducatif ne favorise pas l’entreprenariat chez les jeunes. En dépit de cela, l’entreprenariat reste une solution efficace et durable pour résoudre la problématique de l’emploi des jeunes. Il permet de créer directement des emplois pour les jeunes mais aussi, il permet d’accroitre la dynamique de l’économie à travers un renforcement du secteur privé. Il faut donc que l’Etat accompagne la promotion de l’entreprenariat à travers son intégration dans les cursus scolaires et universitaires dans un premier temps et l’amélioration des conditions d’accès et le financement des jeunes potentiels entrepreneurs.



[1] Ces conditions en elles-mêmes déterminent aussi la croissance du pays.