La problématique
de l’emploi des jeunes est une réalité importante au Burkina Faso. Les
statistiques officielles montrent un taux de chômage relativement faible au
Burkina Faso. Mais cette faiblesse du taux de chômage de représente en rien un
aspect positif de l’économie du pays. En effet, le sous-emploi reste très
important au Burkina Faso. Ce sous-emploi se caractérise par la précarité de
l’emploi et la faiblesse des revenus du travailleur. Les salaires sont très bas
et les activités sont menées indépendamment du niveau d’éducation de l’employé.
Un exemple édifiant à ce sujet est le cas de travailleurs titulaires de
Maitrise en Economie exerçant une activité requérant un niveau d’étude de BEPC.
Pour pallier à cette situation de sous-emploi massif des jeunes et de précarité
de l’emploi, l’Etat Burkinabè a mis en place en 2008 la Politique Nationale de
l’Emploi (PNE) qui se donne comme objectif général d’accroitre les opportunités d’emplois décents afin de contribuer à la
lutte contre la pauvreté au Burkina Faso.
La
problématique de l’emploi des jeunes se résume au fait que les jeunes, aptes à
travailler, sont à la recherche d’emploi et qu’ils n’en trouvent pas. La
fonction publique ne peut pas et ne saurait absorber toute l’offre de travail
disponible. La panacée devrait donc venir du secteur privé. Toutefois, la
réalité est que, à l’état actuel des choses, le secteur privé ne peut pas absorber
cet excédent main-d’œuvre également. Les raisons de la non-absorbation de cet
excédent de main-d’œuvre peuvent être déterminées à travers trois (3) éléments
que sont la dynamique de l’économie burkinabè, la non-compétitivité de la
main-d’œuvre et la faiblesse de la promotion de l’entreprenariat.
La dynamique de
l’économie
L’économie
burkinabè reste caractérisée par un taux de croissance faible par rapport aux
besoins de l’économie et surtout très erratique. Entre 2000 et 2009, la
croissance moyenne a été de 5,2% avec un pic de 8,7% en 2005. Cette croissance
reste en deçà des 7% de taux de croissance continue qu’il faudrait pour que les
choses évoluent positivement et de façon perceptible. La croissance dépend
essentiellement de facteurs externes que le pays ne peut pas contrôler. Il
s’agit, entre autres, de la pluviométrie et des prix des matières premières. Le
caractère erratique de la croissance n’incite pas les acteurs économiques à
faire des investissements car les garanties de retour sur investissement ne
sont pas nettement perceptibles. Selon la loi de la demande effective de
Keynes, les entrepreneurs vont augmenter le niveau d’emploi sur la base des
incitations et des signaux qui sont donnés par le marché et l’économie dans son
ensemble. Ces informations ont trait à la croissance économique (tendance), la stabilité
politique et les incitations positives en faveur de l’investissement qui sont
créées par les autorités du pays. Cette augmentation de l’emploi permettra d’absorber
l’excédent de main-d’œuvre disponible et ainsi de réduire le niveau de chômage
et de sous-emploi. Aussi, l’utilisation du niveau d’emploi idéal pour
bénéficier des opportunités offertes par l’économie permet de créer plus de valeur
ajoutée, donc plus de croissance. L’augmentation de la valeur ajoutée permet de
créer plus d’opportunités d’emploi. Ce qui nous met dans un cercle vertueux qui
permettra de maintenir l’économie à un faible niveau de chômage tout en
réduisant le niveau de sous-emploi car une croissance de qualité entraine la
création d’emplois de qualité.
En résumé, la problématique
de l’emploi peut être résolue par une croissance forte et soutenue au Burkina
Faso. Des incitations fortes venant des autorités politiques du pays permettent
de rassurer ou d’éloigner les potentiels investisseurs. C’est pourquoi en plus
d’une croissance forte et soutenue, il faut créer un environnement politique et
social stable[1].
Une économie peut créer suffisamment de valeur ajoutée pour accroitre le niveau
de l’emploi. Toutefois si au niveau local, la main-d’œuvre n’est pas assez
compétitive pour occuper les nouveaux emplois créés, du fait de la
mondialisation de nos jours sans cesse grandissante, ces emplois locaux seront
occupés par des expatriés ayant les compétences requises pour les occuper. Il y
a donc une nécessité à ce que le système local crée de potentiels travailleurs
qualifiés, compétents et aptes à satisfaire la demande des entreprises en
matière d’emploi.
La compétitivité
de la main-d’œuvre locale
La
compétitivité de la main-d’œuvre locale est déterminée par la capacité du système
éducatif national de mettre à la disposition du marché de l’emploi des
travailleurs qualifiés et disponibles pour les différentes demandes des
entreprises. Pour arriver à une telle fin, il faudrait que le système éducatif
du pays fasse preuve d’une bonne efficacité.
Le système
éducatif burkinabè actuel ne met pas des demandeurs d’emplois hautement
compétitifs sur le marché. En effet, la formation reste toujours théorique et
peu adaptée aux besoins du marché du travail. Le principal centre de formation
de travailleurs hautement qualifiés, qui est l’université, est en crise depuis
des années. Toutes les initiatives qui ont été prises pour résorber cette crise
telles que la mise en œuvre du système LMD (Licence-Master-Doctorat) n’ont
toujours pas encore résolu cette crise. L’enseignement privé connait plus de
stabilité mais les réalités sont les mêmes ; la formation reste toujours
très théorique. Chaque année, plus de 1000 diplômés sortent de l’Université de
Ouagadougou. Nous même étant un produit de cette université, nous pouvons dire
que tout au long de leur parcours la quasi-totalité de ces diplômés n’a jamais
suivi de formation sur les techniques de recherche d’emploi dans le cadre de
leur formation ; ou encore de formation sur la rédaction de CV et de
lettre de motivation. Ainsi, en plus du caractère trop théorique de leur
formation, les étudiants ne sont pas outillés de sorte à pouvoir se positionner
de la meilleure des façons sur le marché de l’emploi.
Un autre aspect,
non des moindres, est l’inadéquation entre la formation et les besoins du
marché de travail. Les formations offertes ne sont pas, dans la majorité des
cas, en rapport avec les besoins réels de l’économie burkinabè. Ces formations
devraient être plus calibrées sur les réalités de l’économie burkinabè. Ces
réalités sont que 80% de la population burkinabè est à vocation agricole, l’élevage
est un secteur à très fort potentiel pour le Burkina Faso, le pays est entré
dans le cercle restreint des pays miniers. A titre d’illustration, il existe
des universités dans certains pays tels que la France où des filières sont
ouvertes pendant 2 ou 3 ans le temps de former la ressource humaine qu’il faut
pour satisfaire la demande dans un secteur bien précis qui se trouve être en
plein essor à une période donnée. Ce type de stratégie permet de ne pas former
des individus dont la probabilité de trouver un emploi après leur formation
reste très faible. Quelle est la nécessité pour un pays comme le Burkina Faso
d’avoir chaque année plus de 400 maitrisards en Economie ? Et 400 autres
maitrisards en Droit ? Loin de nous l’idée de remettre en cause la
pertinence d’un économiste ou d’un juriste au Burkina Faso.
L’Etat gagnerait
a impliqué de façon plus forte le secteur privé dans le choix et la création
des filières de formation. La situation idéale serait que l’Université en plus
de former les chercheurs de haut niveau et hautement qualifiés devrait former
des cadres et des employés de haut niveau et hautement compétents à la
disposition des entreprises de la place, à l’instar de certaines entreprises
qui possèdent leur propre école de formation ou encore des écoles telles que
l’Ecole Nationale des Régies Financières (ENAREF) ou l’Ecole Nationale
d’Administration et de Magistrature (ENAM). Tout individu formé par une université
publique qui ne travaille constitue un gaspillage des ressources de l’Etat.
Plus l’individu dure dans la situation de chômage, plus le gaspillage est
important car le stock de connaissance se déprécie avec le temps d’inactivité.
L’Etat lui-même n’a donc pas intérêt à ce que les produits (diplômés) des
universités publiques soient au chômage.
La situation actuelle n’est donc pas optimale car ni les produits (diplômés) ni
l’Etat encore moins le marché du travail n’est satisfait. Il y a donc nécessité
que les choses évoluent positivement pour le bien de toutes les parties. Les
entreprises pourraient disposer d’une main-d’œuvre disponible et qualifiée, les
diplômés pourraient très vite rentabiliser l’investissement qu’ils ont effectué
dans leur capital humain et l’Etat verraient ses investissements rentabilisés
pour le bien de la nation toute entière. Les Assises sur l’Enseignement Supérieur
tenues les 14 et 15 juin derniers constituent une très bonne initiative, qui
espérons-le, pourrait permettre de trouver la solution optimale pour toutes les
parties prenantes.
Pour donner
plus de compétitivité à la formation actuelle, il faudrait la rendre plus
pratique. Pour cela, les activités extra-académiques pourraient jouer un très
grand rôle. L’expérience montre que, à diplôme égal, les étudiants ayant eu une vie associative
intense lors de leur cursus universitaire sont plus aptes à trouver de l’emploi
et sont plus qualifiés que ceux n’ayant eu aucune vie associative. Il faut donc
accompagner et encourager les étudiants à avoir un niveau d’activités
extra-académiques important. Il faut également accompagner les associations et
organisations de jeunes qui militent en faveur du développement des étudiants à
travers des formations extra-académiques. Cet accompagnement peut être
financier ou matériel. Ce soutien peut se matérialiser par la construction de
locaux au sein des universités au profit des associations estudiantines non
syndiquées. Lorsque le système éducatif arrive à mettre de potentiels
travailleurs compétitifs et hautement qualifiés sur le marché, cela constitue
un avantage pour les secteurs privé et publique mais aussi pour la promotion de
l’entreprenariat.
La promotion de
l’entreprenariat
La promotion de
l’entreprenariat chez les jeunes constitue une alternative importante pour
résoudre la question de l’emploi chez les jeunes. Cette alternative s’inscrit
de façon plus globale dans le cadre de la promotion des initiatives du secteur
privé et de leur renforcement. La promotion de l’entreprenariat constitue une
bonne panacée aux préoccupations liées à l’emploi dans un pays. Toutefois tant
que certaines conditions minimales ne seront pas réunies cette option ne
pourrait pas atteindre l’impact recherché en matière de lutte contre le chômage
et de réduction du sous-emploi. Il s’agit de la formation en entreprenariat et
du financement des initiatives des jeunes.
Un accent doit
être mis sur la formation en entreprenariat. Cette formation doit être donnée
de façon transversale dans les différentes filières d’étude. Elle doit être
intégrée dans les programmes d’études le plus tôt possible. Idéalement, en
intégrant l’entreprenariat comme module de formation dès le secondaire, l’Etat
inciterait de nombreux élèves à mettre en valeur leurs potentialités et
réduirait les charges en ayant moins d’élèves à prendre en charge pour les
cycles supérieurs. D’autant plus qu’au vu de la situation actuelle l’emploi
n’est pas plus garanti avec un niveau d’étude supérieur qu’avec un niveau
d’étude secondaire. Cette intégration de l’entreprenariat dans tous les cursus
est valable tant dans l’enseignement général que dans l’enseignement
professionnel. Le but étant d’inculquer l’esprit d’entreprenariat à tous les
produits (diplômés ou non) que le système éducatif va générer. L’Etat burkinabè
a entrepris des initiatives qu’il convient de saluer sur la question de
l’entreprenariat. Il s’agit d’initiatives telles que la formation de 5 000
jeunes entreprenariat par an ou encore les sessions de formation en
entreprenariat qui sont organisées par l’Agence Nationale de Promotion de
l’Emploi (ANPE). En plus de la formation en entreprenariat, un autre élément
crucial reste la question du financement des jeunes entrepreneurs.
Une fois la
formation donnée et l’esprit d’entreprenariat inculquée aux potentiels futurs
entrepreneurs vient alors la question du financement. En effet, la
quasi-totalité des jeunes entrepreneurs ont un besoin important de financement.
Ce besoin est d’autant plus important que le niveau de pauvreté au Burkina Faso
réduit les possibilités d’autofinancement. Le système bancaire actuel n’est pas
favorable car les garanties exigées sont pour la plupart du temps quasiment
impossibles à satisfaire pour un jeune potentiel entrepreneur. L’Etat a mis en
place des systèmes de financement tels que le Fonds d’Appui aux Initiatives des
Jeunes (FAIJ) ou encore le Fonds d’Appui au Secteur Informel (FASI). Ces
différents fonds permettent d’atténuer un tant soit peu les difficultés de
financement que rencontrent les jeunes potentiels entrepreneurs. Toutefois, ces
fonds restent limités par rapport à la demande sans cesse croissante. Aussi,
les conditions, certes plus souples que celles du système bancaire, restent
encore difficiles à satisfaire pour les jeunes.
Conclusion
Nous pouvons
dire que la problématique de l’emploi des jeunes reste une préoccupation
majeure au Burkina Faso. Cette préoccupation est d’autant plus importante que
la dynamique actuelle de l’économie Burkinabè ne favorise pas une forte
création d’emplois. Aussi, le caractère théorique du système éducatif ne
favorise pas l’entreprenariat chez les jeunes. En dépit de cela,
l’entreprenariat reste une solution efficace et durable pour résoudre la
problématique de l’emploi des jeunes. Il permet de créer directement des
emplois pour les jeunes mais aussi, il permet d’accroitre la dynamique de
l’économie à travers un renforcement du secteur privé. Il faut donc que l’Etat
accompagne la promotion de l’entreprenariat à travers son intégration dans les
cursus scolaires et universitaires dans un premier temps et l’amélioration des
conditions d’accès et le financement des jeunes potentiels entrepreneurs.